A bord du Darjeeling Vélocipède

Publié le par raconte moi ton pays

 

Ah un nouvel article. Reprendraient ils les bonnes habitudes ces deux là ? Oui messieurs dames, n’ayez crainte, vous saurez tout de nos aventures indiennes dans quelques instants. Le temps de lire les lignes ci-dessous, de regarder les photos ici, et vous aurez satisfait votre curiosité !

Une fois la décision de repartir prise, il a fallut assumer. Mine de rien, on se réhabitue très vite à notre petit confort occidental, et repartir à l’aventure sur les routes n’est pas chose aisée. Pour une transition en douceur, nous avons passé quelques jours à Kuala Lumpur, en Malaisie, lieu où nous avions laissé nos vélos et notre matériel. Nous avons ainsi pu goûter aux joies d’une ville moderne avant le grand saut vers l’inconnu indien.

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C’est au petit matin que nous avons embarqué pour entamer notre expérience indienne, direction Madras. Première constatation, on parle à présent de Chennai, Madras étant l’appellation sous la colonisation britannique. Après avoir récupéré nos affaires, la première difficulté se présenta : trouver un taxi assez grand pour nous emmener jusqu’à chez Jérémy, notre logeur. Mission impossible vu la taille des véhicules proposés. Nous avons dû très vite nous rendre à l’évidence : 2 taxis seront nécessaires pour tout charger. Enfin, si on peut vraiment parler de taxi : 2 antiquités sur roues, avec des sièges recouverts d’une sorte de moquette kitschissime et au coffre ridiculement petit. Comment y caser un vélo ? Pas de problème, le chauffeur indien est très débrouillard et nous a fait rentrer les bécanes en laissant dépasser le guidon, le tout « attaché » avec une sorte de sparadrap. Artisanal. Nous avons donc pu nous lancer dans le légendaire trafic indien. Ou comment passer plus de 2 heures à slalomer entre les différents véhicules et éviter les nombreux piétons et animaux qui peuvent débouler à n’importe quel moment.  Nous sommes finalement arrivés chez Jérémy, où, exténués par cette première expérience automobile, nous avons sombré quelques heures dans les bras de Morphée. Ainsi reposés, nous avons pu partir à la découverte de la ville. Chennai présente peu d’intérêts d’un point de vue touristique mais offre l’avantage de plonger immédiatement le visiteur dans la folle ambiance indienne. Du monde partout, des véhicules en permanence, un bruit assourdissant, de la poussière, des vaches installées en plein milieu de la rue, des saris à gogo, des couleurs multiples… l’Inde, la vraie. Le moyen de transport pour écumer Chennai : le rickshaw, sorte de moto à 3 roues munie d’une carriole, qui pullulent dans la ville. Les chauffeurs sont de vrais filous et il est impératif de négocier sec, sous peine d’arnaque sévère. Nous avons pu nous essayer à la gastronomie indienne, épicée à souhait mais bien supportée pour le moment. Jérémy nous a servi de guide de luxe lors d’une journée de visite supplémentaire. Entre découverte de temples hindous, balades dans des rues surpeuplées, promenades au milieu de boutiques de tissus aux couleurs chamarrées (la spécialité locale)…nous n’avons pas chômé. L’extrême pauvreté de certains coins de la ville contraste totalement avec les riches devantures et les grandes demeures de certains autres. C’est donc avec un aperçu prometteur que nous avons pu nous lancer sur les routes, en direction du Sud.

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Après une pause de plus de 2 mois, il était important de ménager nos organismes pour cette reprise, et de ne pas trop forcer sur les kilomètres. Une petite étape de 40 bornes nous a semblé convenir parfaitement, d’autant que Mahabalipuram (dur à dire, n’est ce pas ?), la ville-étape prévue, comporte a priori de nombreuses choses à voir. Après avoir bien remercié Jérémy pour son hospitalité, nous nous sommes élancés dans le chaos. Avec un certain étonnement, nous avons pu constater que nos jambes avaient encore de beaux restes, malgré l’absence de sport prolongée. Autre bonne  surprise, la route est bonne et le trafic supportable. Nous avons donc pu boucler l’étape en une matinée et prendre nos quartiers dans un petit hôtel en bord de mer. Après un bon déjeuner, direction la plage, pas vraiment paradisiaque ni très propre, mais très intéressante sociologiquement parlant. Beaucoup de jeunes indiens viennent s’y promener et ils sont très demandeurs de conversation avec les étrangers. Nous avons ainsi passé des heures à discuter de ci de là, tout en contemplant les bateaux de pêche partir en mer au coucher du soleil. Vraiment très agréable. Hé puis c’est tellement bon de flâner sans la pression de l’étape du lendemain, puisque nous nous accordons un jour de repos pour visiter les temples de la ville. En douceur on vous dit, en douceur !

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Une petite étape de vélo et déjà un jour de repos ? Mais de quels piètres sportifs lisez vous assidument les aventures ? Ne soyez pas trop durs avec nous et considérez qu’il aurait été dommage de ne pas s’arrêter pour contempler les magnifiques temples de Mahabalipuram. Répartis sur 2 sites (dont un donnant directement sur la mer), ces chefs d’œuvres de l’architecture hindoue du VIIe siècle, nous ont fascinés. Bon, il y a encore un peu de boulot pour retenir les 30 millions de divinités composant le panthéon hindouiste, mais on commence à se familiariser avec Shiva, Ganesh, Vishnu et leurs collègues. A notre retour, une grande effervescence régnait dans notre hôtel. Et pour cause, un tournage de film publicitaire, ça rameute du monde. Rigolo et coloré, cela eut le mérite de nous donner un premier aperçu de Bollywood. Bref, une bonne étape culturelle avant de reprendre la route direction Pondichéry.

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Là, on ne rigole plus. 100km au programme, les choses sérieuses reprennent. Après plus de 2 mois de pause, il s’agit là du premier vrai test pour nos chers mollets. Voulant nous laisser du temps pour des pauses éventuelles, nous avons quitté de très bonne heure Mahabalipuram après un dernier petit déjeuner au bord de la mer. Et tout se déroula étonnamment bien. L a route est bonne, le trafic pas trop important, le relief aplani, le vent pas trop fort. Les dieux sont avec nous, ça marche de visiter les temples ! Les routes indiennes semblent constituer le royaume des libellules. Elles volent par milliers et rencontrent parfois malencontreusement nos guidons, nos casques, nos pneus, ou moins agréable, nos visages. Après avoir expérimenté pour la première fois la nourriture d’un bouis-bouis du bord de la route, nous sommes repartis, impatients d’en finir. L’entrée dans Pondichéry, qui est pourtant une ville de taille moyenne (pour l’Inde), ne se fit pas sans heurts, tant l’anarchie routière y régnait. Une fois dans la ville, une mission plus éreintante que pédaler une centaine de bornes : trouver un hôtel acceptant les vélos. Très frustrant et énervant de se heurter à des propriétaires de pensions butés, ne voulant pas admettre nos chères bécanes dans l’enceinte de leur établissement (on ne va pas les faire dormir dans la rue tout de même !). Nous avons finalement réussi à caser vélos et cyclistes dans un lieu pour la nuit, et c’est morts de fatigue que nous avons terminé cette longue journée.

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Pondichéry. Nom exotique si familier. Tout le monde en a déjà entendu parler, sans pour autant savoir le situer. Hé bien ça nous fait plaisir de vous donner des leçons de géographie gratuites. Merci qui ? Merci Raconte moi ton pays ! Nous avons passé 2 jours dans cet ancien comptoir colonial français où l’influence tricolore est parfois bien visible. Très amusant de déambuler dans la rue Dumas, de croiser une statue de Jeanne d’Arc ou de trouver des boutiques au nom sonnant bon le terroir hexagonal. De l’avis même des expatriés vivant sur place, Pondichéry  ça n’est pas l’Inde : trop propret, trop ordonné, trop calme. Il est vrai que se promener dans la « ville blanche » (l’ancien quartier colonial français) est plus reposant mais moins typique que traverser certains quartiers bondés de Chennai. D’un point de vue touristique, on a vite fait le tour de la ville : quelques églises, de belles ruelles, un temple hindou avec un éléphant dressé pour bénir les fidèles avec sa trompe… Nous avons donc eu le temps de passer voir l’école française pour présenter notre projet à 3 classes de CM1-CM2. Nous n’avons pas trop perdu la main, les enfants ont eu l’air d’adhérer au discours. Bien reposés et contents de cette étape, nous reprenons la route du Sud, qui nous mènera, à terme, à la pointe du sous-continent indien.

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Quitter Pondichéry a rimé avec confrontation sonore sur les routes indiennes. Notre bonne vieille klaxonophobie a fait un retour fracassant, révélant à nouveau nos facettes les plus sombres, tant les supplices imaginés pour punir les bruyants conducteurs ont été violents. Avec un sérieux vent de face et des conditions de circulation peu évidentes, l’étape du jour fut tout sauf une partie de plaisir. Les rares moments agréables se sont résumés aux bonjours adressés par les enfants du bord de la route. Arrivés tôt dans la bourgade de Chidambaram, nous en avons profité pour entamer notre cycle « visite de temples après une étape de vélo » qui devrait durer le temps de parcourir la province du Tamil Nadu. Un temple magistral dédié à Shiva n’attendait que notre visite. Architecture plus qu’originale, impressionnant dédale de souterrains et singes disséminés un peu partout : voilà comment rattraper une journée éprouvante !

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Après un réveil matinal, nous sommes de nouveau confrontés à la réalité de la route en Inde. Le constat est simple : les camions et les bus font la loi. Fonçant à tombeau ouvert dans un bruit fracassant, faisant parfois de dangereuses embardées, rien ne semble pouvoir arrêter leur course infernale. Rien ? Enfin presque. Les dangereux véhicules deviennent doux comme des agneaux dès qu’une vache se trouve à proximité. Le mythe de la vache sacrée en Inde, ça n’est pas de la blague ! Après avoir mis nos muscles inférieurs à contribution, effort entrecoupé de rencontres sympas avec une flopée d’enfants (dont certains se sont amusés à faire la course avec nous), nous sommes arrivés dans la ville de Kumbakonam, dans laquelle nous nous sommes empressés de travailler notre spiritualité en visitant les temples consacrés à Shiva et Vishnu. Les gopurams, immenses tours colorées et sculptées à outrance, marquant l’entrée du temple, offrent un spectacle saisissant. Détail amusant, une fête hindoue pousse les habitants de la ville à parer les objets (véhicules compris) de feuilles de bananiers et bénir ces objets en y apposant une marque de poudre. On réfléchit à faire de même avec nos vélos.

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40 km au programme, voilà qui n’est pas pour déplaire à nos pauvres mollets fatigués. Une étape de vélo en Inde est vraiment rythmée par les traversées des agglomérations. Très intéressantes sociologiquement, culturellement et humainement parlant, elles n’en demeurent pas moins éprouvantes, tant le flot de personnes et de véhicules nous oblige à une vigilance extrême et nous soumet à un rythme des plus saccadés. S’arrêter pour laisser passer un rickshaw, repartir pour ensuite freiner afin d’éviter de rentrer dans une vache, une chèvre ou un groupe d’enfants, sursauter au passage tonitruant d’un bus, s’asphyxier avec le nuage de poussière provoqué par ce beau bazar…tout ça a un prix physique à payer. On notera qu’au cours de cette étape, nous avons renoué avec la célébrité médiatique, puisqu’un journaliste à moto, travaillant pour un canard local, nous a arrêté pour répondre à quelques questions et prendre des photos. Peu après notre arrivée dans notre ville-étape, Thanjavur, et notre installation à l’hôtel, nous avons entamé notre séjour culturel par une visite de l’immense palais royal (véritable labyrinthe, avec ses longs couloirs, ses vastes salles, ses tours de guet et ses cours ombragées), avant de terminer en apothéose par le merveilleux « Grand Temple », classé au patrimoine mondial par l’UNESCO. C’est on ne peut plus mérité !

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Ayant adopté un rythme matinal, nous étions rapidement parés pour cette étape de 60km. Au fur et à mesure de notre progression, nous constatons un changement radical dans le paysage, devenu beaucoup plus luxuriant. La route, de qualité inégale, est imprégnée d’une poussière ocre qui colle aux vêtements et assèche la peau. Les faux plats sont légions et nous nous échinons régulièrement sur un chemin à dénivelé d’apparence faible, mais en réalité plus qu’usant (le principe du faux plat, quoi !). Détail amusant, nous rencontrons des lieux de culte de différentes religions (hindouistes, chrétiennes, musulmanes…), mais tous ont pour point commun de diffuser de la musique à fond, à travers de gros hauts parleurs disposés à l’entrée du bâtiment. Du prosélytisme moderne ? A notre arrivée dans la ville de Pudukottai, nous avons fait sensation puisque le patron du restaurant jouxtant notre hôtel, nous a fièrement exhibé un journal tamoul, dans lequel nous figurions en bonne place, photo à l’appui (voir ici) Alors, on avait oublié notre interview de la veille ? Après avoir déjeuné, nous sommes allés nous cultiver au musée de Pudukottai, présentant pêle mêle des animaux empaillés, des peintures datant de l’époque coloniale britannique, des sculptures du Xe siècle, ou encore des pièces de monnaie. Une panne d’électricité perturbant la visite, nous avons pu obtenir une réduction sur le prix d’entrée, après avoir été introduits dans le bureau du directeur en personne. La classe !

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Les cartographes incompétents, ou tout du moins imprécis, ne se rendent pas compte du tort qu’ils peuvent causer à 2 cyclistes en voyage. Déjà qu’une étape de 100km, ça n’est pas évident, si on y ajoute 15 bornes sans préavis et sans mention sur la carte en question, il y a de quoi enrager. Heureusement, la route est jolie et de relativement bonne qualité. La progression est donc facilitée. A noter la présence de nombreux singes sur le bord de la route, nullement impressionnés par le passage des véhicules. L’arrivée dans Madurai, ville de 2 millions d’habitants, fut épique, surtout avec une centaine de bornes dans les pattes, mais nous sommes finalement arrivés à bon port, ravis de pouvoir nous reposer, car un jour de pause nous attend.

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Madurai, une des plus anciennes cités d’Inde du Sud, présente un grand nombre de curiosités méritant bien qu’on y consacre une journée. Si on ajoute à cela une grosse étape roulée la veille, vous comprendrez que la justification ne s’arrêtait pas à une simple visite culturelle. Après une bonne grasse matinée, nous nous sommes rendus au temple Sri Meenakshi, chef d’œuvre du XVIe siècle, immense par sa superficie (6 hectares) et impressionnant par ses gopurams colorés (vous savez ce que c’est maintenant !). Pour l’anecdote, sachez que les shorts n’étaient pas autorisés à l’intérieur du temple. Nous avons dû recouvrir nos jambes d’une sorte de jupe traditionnelle. Du plus bel effet ! Nous avons ensuite enchaîné avec le très intéressant musée Gandhi, retraçant la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Passionnant, émouvant et surtout n’épargnant guère le colonisateur britannique. A propos, c’est à Madurai que Gandhi, en 1921 décida de ne plus porter que le khadi (étoffe tissée à la main). Ca fait du bien un peu de culture, non ?

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Sortir de Madurai fut aussi pénible que d’y rentrer. Nous nous faisons vraiment du souci quant à notre santé mentale, si nous devons prolonger notre séjour en agglomérations indiennes. Nous avons heureusement pu rejoindre une sorte d’autoroute sur laquelle nous avons roulé sans histoires  

 Si quelqu’un connait le nom du dieu du vent chez les hindous, qu’il nous fasse profiter de sa science, car après l’étape du jour, nous aurions bien besoin d’aller prier pour que ce cher monsieur se calme par la suite. Il n’était visiblement pas de bonne humeur vu l’énorme souffle que nous nous sommes pris. Et de face, évidemment. Avançant aussi vite qu’un piéton, courbant l’échine et nous demandant ce que nous avons fait pour mériter ça, cela ne fut vraiment pas une partie de plaisir. Les ingénieurs indiens ne s’y sont pas trompés et ont vu le potentiel énergétique qu’ils pouvaient tirer de la région. Le résultat : des immenses champs d’éoliennes, à perte de vue. Nous avons finalement réussi à vaincre Eole (on sait, ce n’est pas le bon pays, mais on vous l’a dit, on ne connait pas le nom du dieu local !) et arriver fourbus dans notre ville-étape, guidés par un gentil indien à moto qui nous a fait bénéficier de ses raccourcis.

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Enthousiastes à l’idée d’en finir avec la descente de l’Inde, nous nous sommes mis en route sur une autoroute flambant neuve. Les bornes kilométriques sont vierges de toute inscription et les ouvriers peignent à la main les bandes sur les côtés. Les éoliennes aperçues la veille n’étaient qu’un préambule à ce que nous allions voir ce jour. Des centaines d’hélices, toutes différentes les unes des autres, remplissent le paysage, semblables à des moulins à vent (en moins joli, quand même). De là à nous prendre pour Don Quichotte et partir en chasse, il n’y a qu’un pas. Le vent à décorner une vache sacrée (même s’il n’en a normalement pas le droit) nous force à progresser à la vitesse d’un escargot à pédales, mais nous tenons bon et atteignons Kaniyakumari en fin d’après midi. Ca y est, nous avons atteint la pointe de l’Inde, la descente est derrière nous ! Il n’y a plus qu’à remonter maintenant.

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A bientôt !

 

 


Kaniyakumari - Pointe sud de l'Inde
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S
<br /> Chouette de vous retrouver et de vous lire à nouveau!<br /> <br /> <br />
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